Le petit séminaire de l’école de la Terre

Un mur s’effondre de lui-même s’il est mal construit. Rien de tel avec les idées, il faut des autres avec qui on parle pour les éprouver. La pensée n’est pas une affirmation de soi, c’est une petite fabrique à plusieurs. Elle nous aide à saisir quelque chose du monde et de son actualité et apporte de la force à notre capacité d’agir collectivement.

Le petit séminaire de l’école de la Terre a pris forme dans la dynamique lancée il y a quelques années, sur le plateau de Millevaches avec les écoles de la Terre. Il se réunit pour remettre nos pensées sur le métier. Et cela en présentant, discutant et parfois rencontrant des auteurs et des autrices dont les thèses nous questionnent aujourd’hui. Son horizon est simple : travailler à un art de conséquences, forger nos pensées, qui seront semblables à ces points lumineux qui ne brillent intensément qu’au plus noir de la nuit.

D’où partons-nous ? C’est comme si nous avions en mains une carte sur laquelle il nous reste à marquer les pistes, les bassins, les crêtes. Cette carte est encore blanche mais elle a déjà un nom, c’est celui des devenirs terrestres. Elle pointe vers notre condition, la condition terrestre, une condition dont le sol est actuellement si fracturé et instable que nul ne peut dire avec certitude comment en devenir les sujets, et les sujets combattants.

Cette carte est un paysage de questions en même temps que celui de nos pas.

Devenir terrestre, soit. Mais en vue de quelle terre ? Cette lourde et épaisse terre à laquelle colle l’identité comme elle colle aux godasses ? Celle dans laquelle macèrent les rancœurs et les angoisses de posséder ? Ou bien celle dans laquelle nous croyons, faite d’usages et d’enchevêtrements, celle qui nous lie à des éléments, des vivants et nous indique un sens du lieu ?

Et puis nous, devenant terrestres, qui devenons-nous ? Et avec qui devenir sinon avec les autres qu’humains ? Mais leur serons-nous liés par l’émerveillement, la compassion, la combativité ? Quelles pensées orienterons-nous vers eux ? Comment ça s’existe une terre ? Comment ça se défend ? Chemin devenant, nous nous mettrons en quête des bons affects et des bonnes intellections. En parlant ensemble avec toute la simplicité du monde.

Prochaine séance vendredi 11 février 2022, invitation de Jeanne Burgart Goutal sur la ferme de Lachaud

Appel aux politiques de la Terre

Matériaux pour des écoles de la Terre

Rencontres sur la Ferme de Lachaud du 23 au 27 août 2020

•  Pour lire les contributions à l’appel : Contributions  •
•  Pour s’inscrire aux rencontres : Inscriptions  •
•  Pour les informations pratiques : Informations  •

Tout comme un jour nous avons eu horreur du vide, nous ressentons aujourd’hui une répugnance à penser le ralentissement, la régression, la limitation, la décroissance, la descente, la suffisance. Toute chose qui rappelle un mouvement vers une suffisance intensive de monde (plutôt qu’un dépassement épique de « limites » à la recherche d’un super-monde) est très vite accusée de localisme naïf, de primitivisme, d’irrationalisme, de mauvaise conscience, de sentiment de culpabilité, voire d’être une expression de tendances fascisantes. Pour quasiment toutes les formes assumées par la pensée aujourd’hui dominante parmi « nous », une direction seulement est pensable et souhaitable, celle qui mène du « négatif » au « positif » : du moins au plus, de la possession de peu à la propriété de trop, de la « technique de subsistance » à la « technologie de pointe », du nomade paléolithique au citoyen cosmopolite moderne, de l’Indien sauvage au travailleur civilisé. […]
C’est dans ce sens, enfin, que les Indiens, le « peuple de Pachamama » pour reprendre la tournure gentiment ironique de Bruno Latour, ne sont pas les seuls Terrestres, mais ont sans le moindre doute droit à partager ce titre. Les peuples autochtones du continent américain – les collectifs d’humains et non humains dont l’histoire remonte bien avant le choc avec la planète Marchandise – ne sont qu’une petite partie de la Résistance Terrestre contemporaine, cet ample mouvement clandestin qui commence à peine à devenir visible sur la planète envahie par les Modernes (en Afrique, en Océanie, en Mongolie, dans les recoins et les cachots de la forteresse Europe). Ils ne sont vraiment à même de prendre la tête d’aucun combat final, d’aucun Armageddon cosmopolitique ; il serait ridicule de les imaginer comme la semence d’une nouvelle Majorité. Il ne faut surtout pas espérer qu’ils puissent, même s’ils le pouvaient, accourir pour sauver ou justifier les « Modernes » qui les persécutent implacablement depuis cinq siècles. [Mais] fatigués d’une histoire faite de trahisons successives, ils ne sont peut-être pas très disposés à « négocier » une paix cosmopolitique.

Déborah Danowski et Eduardo Viveiros de Castro, L’Arrêt de monde, 2014

Du 23 au 27 août 2020 de nouvelles rencontres « Matériaux pour des écoles de la Terre » se dérouleront sur la ferme de Lachaud. Elles ne seront pas organisées comme habituellement sur la base d’un programme d’intervenants mais à partir des contributions que nous recevrons en réponse à cet appel. Ces contributions peuvent être de toute nature : quelques mots, un texte ou un dessin, mais aussi bien d’autres choses dont nous ne saurons préciser la forme… D’ici le milieu du mois d’août, dans le prolongement de cet appel, nous ferons circuler un document qui tentera d’organiser les réponses que nous aurons reçues en différents champs problématiques que nous répartirons sur les quatre journées des rencontres. Chaque journée sera composée d’une assemblée le matin dont les échanges devraient nous permettre de préciser le contenu des ateliers de l’après-midi, et ainsi nous progresserons dans la volonté de mettre en relation les mots et les énoncés capables d’articuler notre sentiment d’appartenance au monde avec le courage de renouveler les champs de l’action politique.

Ce temps d’élaboration collective s’inscrit dans la composition de la résistance écologique (ou terrestre) dont la situation actuelle participe au redéploiement des forces. Par cet appel il ne s’agit pas de chercher à recouvrir la démultiplication des initiatives similaires à la nôtre, et encore moins en se présentant sous le nom d’un improbable conseil de plus. Bien au contraire, ce à quoi nous souhaitons concourir consiste à encourager partout ces temps de discussions pendant lesquels on cherche patiemment, lieu par lieu, à décrire et à préciser, par la survivance de la critique, ce à quoi nous tenons.

1. Situation

Ce qui était inconcevable la veille et devenu possible le lendemain – l’arrêt plus ou moins global de l’économie – a transformé si radicalement notre perception de la situation générale que c’est l’ensemble du processus de politisation de l’écologie qui peut et doit se réorganiser à partir de ce constat. Finalement il s’avère possible de se représenter la fin du capitalisme au moins autant que la fin du monde. Voilà qui confère un sens renouvelé à la notion d’intentionnalité politique face aux dogmes qui présentent la rationalité économique comme vérité des sociétés et l’inégalité sociale comme essence de la condition humaine.

L’autre constat, par anticipation et sans doute précipité, que nous devons faire de cet arrêt de monde – de ce que l’on tenait pour impossible, de ce que l’on nous avait depuis toujours appris à voir comme impossible – est qu’encore à ce jour rien ne se soit produit vraiment que l’on puisse retenir comme un tournant social et politique décisif, et ce malgré l’ensemble des énergies déployées pour qu’il se produise aussi bien dans les mentalités que dans les actes. C’est à la lumière de cette expérience planétaire et de la perte d’innocence qui en a découlé que nous nous proposons de partir pour reformuler nos hypothèses et nos conceptions de la conflictualité politique qui nous encombrent et nous interdisent la compréhension du présent.

2. Politique et écologie

Les grands thèmes de l’écologie se sont imposés comme une évidence dans les imaginaires collectifs de la contestation. Leur omniprésence a fini par tisser, à l’échelle mondiale, un continuum d’opinions partagées entraînant la naissance d’une conscience globale reposant sur une ambivalente « synchronisation » des subjectivités. Pour autant, les réponses que nos sociétés ont jusqu’à présent tenté d’y apporter se présentent comme autant de façons de retarder le moment d’y faire face. Abondante en discours et pauvre en monde, l’écologie politique continue d’être vécue, par ceux qui ont le luxe de se croire épargnés, comme l’interminable épilogue du drame bourgeois qu’est devenu le cours de l’histoire des sociétés techno-capitalistes.

Face aux espoirs fondés dans la transition technologique, supposée prolonger les modes de vie d’une partie de l’humanité et ce qu’elle définit comme son bien-être, nous nous demanderons en quoi ces attentes contribuent, en réalité, à la perpétuation de formes de domination et de contrôle social, économique et culturel. Mais nous chercherons également à comprendre comment, à la base de cette administration de l’économie et du politique, se trouve une certaine conception de la nature et de l’homme dans son environnement d’où elle tire sa force. En appeler aux politiques de la Terre, telles que nous les entendons, consistera donc à réinterroger les catégories traditionnelles du politique (souveraineté, légitimité, libertés individuelles, luttes sociales, intérêt général, modèle de décision, etc.) afin de comprendre les raisons pour lesquelles il n’est plus possible d’y puiser sereinement pour répondre aux problèmes qui découlent des mutations écologiques en cours. Une façon d’aborder cette situation nouvelle consistera à décrire les contradictions critiques que nous éprouvons chaque jour entre d’une part ce qui relève de l’expérience que nous faisons de la réalité, ce sur quoi nous tenons (d’autres que soi, des objets, des règles, des énoncés, des habitudes…) et d’autre part les principes, les représentations et les désirs qui déterminent ce à quoi nous tenons. Revenir sur ces contradictions suppose moins d’étendre la scène de la dénonciation ou de l’indignation, que de tenter de cultiver et de mettre en partage un art lent et âpre des conséquences.

3. État, territoire et globalisation

La globalisation est le fond théorique et pratique par lequel nous arrivent les réalités de la crise environnementale débouchant sur une forme inédite de la responsabilité : une responsabilité de masse. C’est-à-dire une responsabilité incombant à chaque individu en tant qu’il prend part à un comportement de masse, par ses actions ou par ses omissions. Ce type de représentation de la responsabilité a encouragé l’idée que la mise en œuvre de changements profonds nécessite une action globale qui aille au-delà de toute frontière, en prenant éventuellement à contre-pied (par l’introduction de normes, de réglementations, de technologies) des communautés qui le plus souvent subissent les conséquences des dommages environnementaux davantage qu’elles n’en causent. Cette approche globale ou systémique et le rôle central joué par l’introduction dans la décision politique des savoirs scientifiques, de l’expertise et des statistiques, trouble en profondeur le champ de l’action politique tel qu’il est généralement défini : l’organisation d’un groupe inscrit sur un territoire dont les parties (humains et autres qu’humains) sont interdépendantes et disposent des moyens de le comprendre ou de le sentir. La crise environnementale met en crise les différentes échelles de territoire qui se sont constituées avec le développement du capitalisme industriel lui-même étroitement lié à la construction des États-nations. Plus largement, elle met en crise l’articulation entre pouvoir et territoire, et la façon dont les identités individuelles et collectives sont supposées y être intégrées.

Repartir de la question de la terre et du territoire pour penser l’écologie, c’est considérer le fait qu’il est devenu impossible de faire tenir politiquement ensemble des échelles d’espace et de temps où s’enchevêtrent et entrent en conflit des représentations inconciliables du futur, des promesses d’émancipation sociale fondées sur la spoliation et la destruction des ressources terrestres, des puissances politiques et économiques dont la mise en concurrence à l’échelle planétaire et la défense des intérêts privés révèle toujours un peu plus la disjonction entre l’espace de la délibération publique et la raison d’État sous l’emprise de l’urgence et de la nécessité.

La recomposition « écologique » du monde sur cette base est bien évidemment de l’ordre de l’impensable, et toute forme de pouvoir qui s’éprouverait comme plus ou moins sensible à ces questions ne disposerait d’aucun autre moyen que de modifier à la marge ce système globalisé et intégré. Penser l’écologie politique à partir d’un territoire – dont nous laisserons la définition et les contours vagues –, cela ne consiste pas à s’absenter de la situation générale, mais à proposer au contraire de développer des stratégies de résistance qui ne peuvent s’extraire du problème de la réhabitation du monde. Réduire l’écart entre la compréhension de ce sur quoi nous tenons et les représentations de ce à quoi nous tenons exige de toucher ce point de divergence avec l’écologie des autres. Œuvrer à la réactivation de communs, développer des formes de solidarités entre les personnes, les espèces et les milieux de vie, apprendre – par les savoirs issus de l’écologie – à les voir, les nommer, les sentir, transformer le statut d’entités complexes, comme des forêts, des montagnes, des fleuves dans notre façon de les aborder, de nous y identifier ou de les concevoir comme sujets de droit, partager des histoires qui témoignent de ces attachements, élaborer des techniques adaptées à cette culture : ces perspectives ou « remèdes » se présentent en réalité comme une multitude de problèmes tangibles dont nous ignorons pour la plupart comment les articuler avec la manière dont nous sommes construits socialement – et s’en trouve par-là même frappées d’incertitude. Mettre en partage la responsabilité environnementale qui est au cœur de toute forme de cosmopolitisme terrestre, suppose moins des certitudes théoriques à partir desquelles nous serions en capacité de « changer le monde », que le développement de pratiques et le partage de récits communs susceptibles de résister, milieux de vie par milieux de vie, à la convergence d’intérêts puissants qui leur sont contraires.

4. De la Terre

Il ne faut pas chercher, dans cet appel à se retrouver, une volonté de substituer à l’épreuve du réel la paresse des mots et le confort du concept. Il s’agit de mettre en travail et de partager des énoncés pour ce qu’ils sont : ce qui jette un pont entre la nécessaire interprétation du monde (comme généralité) et ce qui est toujours vécu (localement) comme une entrave à une certaine idée de justice. Se saisir de la liberté d’éprouver et d’énoncer le juste et l’injuste, le même et l’autre, le possible et l’impossible a toujours constitué une provocation pour le pouvoir. Un énoncé politique, réaffecté par d’innombrables récits, quand il ouvre un champ qui autorise à composer avec l’incertitude, est susceptible de réunir les forces nécessaires pour résister à ce pouvoir dont la logique est de maintenir les conditions d’injustice par lesquelles il se définit. En appeler aux politiques de la Terre signifie s’inscrire dans un processus de politisation qui s’oppose au mouvement continu d’appropriation de la nature et des communs qui caractérise le modèle dominant de « civilisation » et ses conséquences.

Un tel processus ne peut pas partir d’en haut, il est incarné dans des territoires composés d’expériences et d’histoires qui permettent d’élaborer les stratégies nécessaires pour faire alliance avec les êtres et les milieux dont la simple existence est une forme de résistance. C’est-à-dire avec ceux dont le destin est de devenir les morts acceptables de ce modèle unique de développement.

En appeler aux politiques de la Terre c’est toujours vouloir résister à l’avancée du désert et de la dévastation, mais c’est avant tout rompre avec l’empire de la nécessité au service de l’économie qui fait de ce monde globalisé ce qu’il est. Autrement dit, une politique de la Terre suppose une pluralité de mondes et la conviction que du possible est toujours susceptible d’arriver.


Organisation des rencontres :

Les rencontres se dérouleront du 23 au 27 août 2020 sur la ferme de Lachaud. Elles seront organisées sur la base de cet appel à contribution. Les contributions que nous recevrons nous permettrons de définir un champ problématique par journée sur les quatre qui composeront les rencontres. Les matinées se dérouleront en assemblée, un court exposé présentera la problématique du jour, suivi d’échanges. Les après-midis seront organisés en ateliers dont les thèmes auront été définis à l’issue des assemblées du matin. Les ateliers seront animés par un groupe qui se sera constitué autour d’une problématique, ou à l’initiative d’un ou d’une intervenante. Apporter une contribution à cet appel ne contraint pas à animer un atelier. Ne pas contribuer à cet appel n’empêche pas la possibilité d’animer un atelier.

Participer à l’appel à contribution :

Pour contribuer il suffit de nous faire parvenir votre contribution de préférence avant le 10 août, par mail à : ecoledelaterre@riseup.net

Ou par voie postale à l’adresse : Ferme de Lachaud, Lachaud Fauvet, 23340 Gentioux Pigerolles

Autour du 15 août nous ferons circuler la carte des champs problématiques que nous aurons déterminés pour chacune des journées. Elle sera constituée de fragment des contributions que nous aurons reçues. Et d’une présentation des journées.

Inscriptions :

Afin de prévoir les installations adéquates et de rassembler les quantités suffisantes de nourriture, nous avons besoin de pouvoir estimer assez rapidement le nombre que nous serons pendant la semaine. Nous vous encourageons donc à vous inscrire individuellement dès que possible en utilisant cette fiche d’inscription sur framasoft : remplir le bulletin d’inscription

Cette base de données sera détruite à la fin des rencontres. Nous ne conserverons que les adresses de celles et ceux qui auront précisé vouloir faire partie la liste de diffusion « école de la Terre ».

Le petit séminaire de l’école de la Terre

Un mur s’effondre de lui-même s’il est mal construit. Rien de tel avec les idées, il faut des autres avec qui on parle pour les éprouver. La pensée n’est pas une affirmation de soi, c’est une petite fabrique à plusieurs. Elle nous aide à saisir quelque chose du monde et de son actualité et apporte de la force à notre capacité d’agir collectivement.

Le petit séminaire de l’école de la Terre a pris forme dans la dynamique lancée il y a quelques années, sur le plateau de Millevaches avec les écoles de la Terre. Il se réunit pour remettre nos pensées sur le métier. Et cela en présentant, discutant et parfois rencontrant des auteurs et des autrices dont les thèses nous questionnent aujourd’hui. Son horizon est simple : travailler à un art de conséquences, forger nos pensées, qui seront semblables à ces points lumineux qui ne brillent intensément qu’au plus noir de la nuit.

D’où partons-nous ? C’est comme si nous avions en mains une carte sur laquelle il nous reste à marquer les pistes, les bassins, les crêtes. Cette carte est encore blanche mais elle a déjà un nom, c’est celui des devenirs terrestres. Elle pointe vers notre condition, la condition terrestre, une condition dont le sol est actuellement si fracturé et instable que nul ne peut dire avec certitude comment en devenir les sujets, et les sujets combattants.

Cette carte est un paysage de questions en même temps que celui de nos pas.

Devenir terrestre, soit. Mais en vue de quelle terre ? Celle lourde et épaisse terre à laquelle colle l’identité comme elle colle aux godasses ? Celle dans laquelle macèrent les rancœurs et les angoisses de posséder ? Ou bien celle dans laquelle nous croyons, faite d’usages et d’enchevêtrements, celle qui nous lie à des éléments, des vivants et nous indique un sens du lieu ?

Et puis nous, devenant terrestres, qui devenons-nous ? Et avec qui devenir sinon avec les autres qu’humains ? Mais leur serons-nous liés par l’émerveillement, la compassion, la combativité ? Quelles pensées orienterons-nous vers eux ? Comment ça s’existe une terre ? Comment ça se défend ? Chemin devenant, nous nous mettrons en quête des bons affects et des bonnes intellections. En parlant ensemble avec toute la simplicité du monde.

33.

33. Les lichens corticoles du plateau de Millevaches. Un projet de science participative – Elsa Day et Frédérique Lagarde

Le projet présenté ici ce concentre sur les problématiques de continuité écologique des espaces forestiers sur le plateau des Millevaches. Nos travaux préalables sur les lichens corticoles du genre Lobaria nous ont montré que la colonisation des espaces forestiers récents par les espèces caractéristiques de forêts de qualité se faisait davantage à partir d’anciens arbres isolés ou de linéaires de haies anciennes, maintenant englobés dans des matrices forestières récentes, qu’à partir de forêts qualifiées comme anciennes, restant relativement rares sur le Plateau. Notre projet vise à localiser afin de les protéger, ces centres de dispersion qui s’avèrent stratégiques, et examiner si les informations recueillies par les Lichens s’étendent aussi au reste de la biodiversité forestière.

Pour réaliser ce travail, nous allons nous appuyer entre autres sur une enquête de science participative. 

Parce que la prise en compte réelle des « non humains » ne pourra être effective que lorsque cette case terne sera remplie effectivement pour chacun de la multiplicité des formes qui nous entoure et de la compréhension intime de leurs sensibilités respectives, nous faisons le pari d’amorcer cette ouverture par les organismes les plus ignorés parmi nos voisins. 

Parce que les défis environnementaux auxquels nous devons faire face nécessitent l’acquisition de savoirs situés, étant donnée l’amplitude des variations géographiques des sensibilités écophysiologiques des espèces qui nous entourent, nous militons pour qu’une appropriation plus large de l’approche scientifique puisse permettre de démultiplier et de relocaliser ces savoirs.  

32.

NATION.S – Florent Tillon et Hélène Magne
Documentaire de 90mn

« le monde est une Zone à Défendre »
Slogan coutumier Kanak

Le documentaire NATION.S, tourné en Nouvelle Calédonie par Florent Tillon et Hélène Magne lors du premier référendum de 2018, s’intéresse particulièrement aux collectifs autochtones coutumiers traditionnels Kanak, trop souvent marginalisés dans les médias locaux ou internationaux.

Ceux que l’on appelle les indépendantistes “coutumiers” sont en réalité très nombreux en Nouvelle Calédonie, mais leurs démarches et leurs actions ne sont pas réellement reconnues. Ils sont en faveur de l’indépendance du pays, mais demandent l’application de la coutume comme système social, et non celui de la politique. Car la politique est, selon eux, un appareil coloniale impliquant constamment des rapports de force qui divisent et affaiblissent le peuple kanak. Florent et Hélène auront ainsi passés 3 mois en compagnie de collectifs claniques bloquant des mines, des juristes animistes semant la pagaille au palais de justice, des révolutionnaires faisant sécession dans le plus grand secret, et même ceux du Vanuatu jamais très loin, bref, tous ceux que l’on appelle là-bas les “indépendantistes coutumiers traditionnels”, désirant donc rompre avec la politique. C’est ainsi au beau milieu d’une élection référendaire aux enjeux industriels énormes que le film glissera des meetings urbains aux espaces coutumiers, tribu, occupations de mines, actions politiques, sans oublier au passage de faire rire ou d’émouvoir.

Les enjeux qui traversent actuellement la Nouvelle Calédonie sont au cœur des débats sur la décolonisation, sur le racisme ou le racialisme, la question de l’identité d’une forme de vie contre une autre, sur les droits autochtones bafoués mais pourtant parfois si efficaces contre certains projets miniers ou urbains. Le droit coutumier Kanak pourrait se résumer comme un droit de la “terre” : dans la coutume aucune terre ne saurait être vendue car la terre n’a pas de prix, et c’est bien cela qu’ils comptent défendre. L’évacuation de la ZAD de NDDL se produisait alors que les cinéastes filmaient Emmanuel Macron en visite sur l’Ile. La ZAD, Emmanuel Macron et la contestation, les blacks blocks, traversent également le film, et sont commentés par les Kanak, admirateurs de la ZAD, comme du Larzac en son temps.

31.

31. Le droit coutumier Kanak – Collectif

Proposé par cinq autochtones Kanak étudiant en France. Il s’agira d’exposer la particularité de ce droit, reconnu par l’article 75 de la constitution française de 1958, qui reconnait la coutume Kanak et sa terre. Ce fameux article 75 sert notamment de base juridique pour les luttes contre l’accaparement du foncier par les industries minières qui rongent l’île depuis plus d’un siècle.

Le droit coutumier est donc à la fois un droit sociale, spirituel et terrestre, dans le sens où la terre et le clan, sont l’entité de base de ce droit, là où en occident, l’entité juridique demeure l’individu humain. Pour autant, le droit coutumier doit faire face à des problématiques contemporaines qui le force à se transformer, notamment autour de la question du genre. Ce droit doit donc, à la fois lutter pour sa survie face à un État qui rêve de le faire disparaître comme il l’a fait en métropole, en même temps qu’il doit se transformer pour rester vivant.

Ce collectif Autochtone nous livrera donc un exposé sur ce droit coutumier et favorisera un échange avec l’assemblée autour de la question : le droit coutumier peut-il être une arme juridique offensive contre l’Etat et les multinationales ? Le droit coutumier peut-il inspirer l’occident dans sa recherche d’une Politique de la Terre ?

30.

“Droit à la vie?” et “Le théâtre de la guérison” – Hugo

– deux ateliers autour de lectures récentes, en vue de questionner ensemble les thèmes abordés:

1) le livre «Droit à la vie?» de Alain Brossat.
C’est un livre que je trouve très intéressant pour saisir une dimension primordiale de ce qui se passe présentement. Il a été écrit en 2010, et anticipe étonnamment sur les événements récents. Je l’ai lu avant ceux-ci et suis frappé à quel point ils semblent s’ingénier à illustrer le plus didactiquement possible la thèse du livre. L’auteur met l’accent sur ce qu’il identifie comme LA force directrice de la société moderne actuelle: faire prévaloir à tout prix et universellement le «droit à la vie», c’est-à-dire la promotion de la vie «pure», de la vie en tant que «non-mort», de la vie perçue sous l’angle exclusivement sanitaire, celui de la «durée de vie» maximale et de la «santé optimale». Il montre également comment cette promotion de la vie pure, de par sa dimension difficilement attaquable dans un premier temps (qui oserait s’opposer à l’expansion de la vie?), sert à vendre un contrôle policier toujours plus approfondi, plus ramifié, au maillage toujours plus fin, et qui est l’autre face de la médaille du «droit à la vie». Le livre est intéressant par les nombreux exemples qu’il donne de comment le droit à la vie travaille, souvent subrepticement, nos pratiques, nos discours, notre vie quotidienne.

2) le livre «Le théâtre de la guérison» de Alexandro Jodorowsky.
Je ne suis pas du tout fan de Jodorowsky cinéaste ou scénariste de BD, mais j’ai découvert à travers ce livre le pan de sa production ayant trait à sa théorie et sa pratique thérapeutiques. C’est un livre où il explicite sa démarche. Il raconte comment il en est venu à placer la magie au centre du processus de guérison. La magie au sens très pratique du mot: celle qui marche «point barre». Peu importe qu’il y ait magie «réelle», tricherie (qu’il appelle tricherie sacrée), ou processus «inconscient»; il refuse de se poser la question en ces termes, car pour lui une vérité n’est pas ce qui est conforme à la réalité, mais ce qui est utile (cf taoïsme). Voici en résumé les étapes de la pratique thérapeutique «psychomagique»: 1) le psychomagicien (Jodorowsky) écoute la personne lui raconter ce qui ne va pas (ça peut être un problème de santé, ou psychologique, ou un autre genre de problème ou tout ça en même temps ), et il lui pose des questions (notamment via le tarot) pour avoir un tableau détaillé de la situation; 2) il lui prescrit un acte ou une série d’actes magiques à accomplir; 3) la personne accomplit la prescription scrupuleusement dans tous ses détails (sinon ça ne marche pas, suivre précisément les instructions fait partie du processus de guérison); 4) la personne écrit une lettre au psychomagicien pour lui raconter comment s’est passé l’accomplissement de la prescription et ce que ça lui a fait (ce dernier point fait office de payement: le psychomagicien ne demande rien d’autre en contrepartie de son soin).

Exemple de prescription, pour se faire une idée: Une mère a du mal à accepter l’homosexualité de son fils, qui est pianiste. Elle consulte Jodorowsky car chaque fois que son fils fait un concert ou passe un examen, elle a une peur panique qu’il échoue, et immanquablement il le sent et échoue effectivement. Jodorowsky lui prescrit de fabriquer une figurine à l’image de son fils, de la placer à côté d’un piano dont elle aura enduit les touches de miel, de maintenir une bougie allumée dans la pièce en permanence, et de venir y prier pour son succès pendant une heure une foi par jour. La femme accomplit la prescription, et le concert suivant est une réussite (et la relation de la mère et du fils s’améliore).

On voit qu’une bonne part de la dimension magique du soin consiste à, plutôt que, classiquement, traduire le langage de l’inconscient en langage ordinaire, s’adresser au contraire à l’inconscient directement dans son langage. Cette façon d’aborder le soin m’intéresse car elle permet de l’envisager hors du cadre exclusivement «sérieux» à l’intérieur duquel la médecine moderne aimerait le cantonner, pour au contraire le lier ontologiquement à la magie: pas de soin sans poésie. Il me semble que cette manière de poser la question du soin peut apporter beaucoup d’oxygène par les temps qui courent, et offre en tous cas des pistes intéressantes de questionnement.

– la projection du film «My dinner with André», un film de Louis Malles de 1982 qui met en scène une conversation entre deux amis dans un restaurant (version anglaise sous-titrée en français). Un film tout-à-fait particulier, le seul film à ma connaissance qui rend compte d’une longue conversation pour son contenu propre, où on est fasciné par la conversation elle-même, et non par des enjeux autres qui animeraient
les protagonistes. Comme il s’agit d’une conversation (et non d’un débat par exemple), les thème sont abordés relativement finement et profondément. Difficile de les résumer, mais ça résonne étonnamment avec les enjeux d’aujourd’hui. Il est question entre autres de magie et de rationalité, de rituels de confrontation à la mort, de synchronicité, du couple, d’architecture non industrielle (bricolée), de l’ambivalence du projet scientifique… La projection pourrait se faire sous la forme d’un atelier: pas en très grand nombre, avec possibilité, si quelqu’un le désire, d’interrompre le film pour intervenir dans la conversation, et aux autres de répondre, et de reprendre quand on a éclairci, affiné (voire infirmé) la question…

23.

23. Ruralité locale / Transition / Jardin vivrier – Arthur Deguilhem

Un constat d’essoufflement et d’urgence

Notre société de la technique et du progrès, délègue ses besoins fondamentaux à sa science, aux machines et autres ordinateurs. Chaque besoin essentiel à la vie de l’homme devient l’enjeu d’une poignée d’experts et la population en est tenue éloignée. L’homme ainsi délesté de penser sa vie sur terre, devient libre de produire et de consommer du loisirs en toute insouciance. Ce n’est pas son rôle de se nourrir, ce n’est pas son rôle de se vêtir, ce n’est pas son rôle de penser son habitat. Tout cela dépasse le citoyen consommateur, uniquement là, pour faire tourner la machine de production, en consommant toujours plus que nécessaire, désormais il faut avaler 13kg de pommes de terre pour en produire un seul, c’est l’idée de l’abondance de notre progrès.

Un constat quasi général d’un monde dominant à bout de souffle, L’éternelle croissance de la consommation, de la production, de l’économie semble être une impasse. Beaucoup d’incertitudes, le retour à la bougie fait peur, le marketing vert d’une consommation de bonne conscience se développe illusoirement, les petits gestes de chacun sont des efforts qui nous paraissent un peu ridicule, face à ce monde mondialisé qui s’emballe chaque jour un peu plus. On partage un constat, une urgence, on s’angoisse mutuellement d’une fin, sans savoir vraiment de quelle fin il s’agit. On trouve des solutions, jamais assez globales, jamais assez crédibles… Alors, on fantasme une révolution mais, bien trop violente et trop incertaine, on ne sait d’ailleurs même pas vraiment vers qui la tourner. Puis on se trouve des coupables, la faute aux autres, la faute au système, la faute à l’élite, la Russie, les patrons, les fonctionnaires, les improductifs… non la finance haute fréquence et le monde médiatico-politique, puis on est trop nombreux !

Cela donne l’impression de s’engluer dans un mal-être collectif, une tragédie indépassable.

Prisonnier de nous-même, on a renoncé à notre liberté d’imaginer un avenir, désormais consommateur, on délègue notre pouvoir d’agir aux experts bien éduqués et n’avons plus qu’à jouir du confort et de la sécurité de ne se soucier que de l’unique minuscule tâche pour laquelle on a été formaté. Nos vies consiste à faire tourner avec plein de bonne volonté un petit rouage d’une machine infernale que personne ne maitrise et qui parait ne pas convenir à grand monde.

Retrouver notre liberté d’agir

Nous avons des envies de changement, individuels et collectifs, une transition, tout cela est assez clair, demain ne sera pas comme aujourd’hui. Il me semble nécessaire de commencer à renouer avec notre pouvoir d’agir, s’autoriser à faire un monde à notre échelle que l’on est capable de comprendre, être dans l’action, semer, planter, bâtir, construire, concevoir, rencontrer, échanger… se rendre compte par soi même, écouter son intuition, observer, tester… Ne pas avoir peur du geste spontané de l’amateur en se soumettant au calcul de l’expert, au contraire il faut voir l’expérimentation comme une source de savoir, faire pour mettre la pensée en mouvement, c’est des expériences d’aujourd’hui, qu’adviendra le monde de demain. Peut-être un monde où l’on se servira de notre énergie pour accroitre nos compétences, notre solidarité, notre résilience, notre bonheur, un monde ou nos technologies auront pour objectif d’accroître la fertilité, la biodiversité, la qualité.

Autorisons nous à tester et penser par nous même l’accès à nos besoins fondamentaux. Comment je souhaite me nourrir ? Comment je souhaite habiter le monde ? Comment produire de l’énergie ? Comment je souhaite me vêtir ? Quelles relations je souhaite avec mon entourage ? Quel patrimoine pour les générations futures… ?

Depuis qu’il existe, l’homme a passé la plupart de son temps à répondre à ses besoins vitaux, d’abord chasseur cueilleur nomade, profitant de l’abondance spontanée de la nature, puis paysan sédentarisé ou l’activité agricole est restée largement majoritaire, jusqu’en 1950 en France. Il y avait alors encore 30% de la population active avec une profession agricole, contre 2% aujourd’hui.

Le progrès moderne nous mène à une situation ou la majorité de la population ne sait même plus se nourrir, nous sommes entièrement dépendant d’une poignée d’irréductibles agriculteurs aidés de tracteurs et pétroles, probablement bientôt remplacés par des scientifiques producteurs de cellules souches et de culture hors sol.

Alors, seul les derniers des paysans se rappelleront encore que la terre est capable de nous nourrir. C’est pour cela que renouer avec la vie paysanne est une réponse à la transition, être activement responsable de ce qui fait notre vie quotidienne, n’est pas un fardeau, c’est au contraire ce qui nous encre profondément dans la vie, nous offrans la liberté d’être pleinement au monde, conscient de son environnement, de son territoire et de tous ceux qui l’habitent.

Le jardin vivrier, comme base d’émancipation

Une vie rurale, paysanne, ou le jardin est le centre du quotidien semble nécessaire. Un jardin vivrier est à la fois un lieu de vie et de production pour une consommation familiale et locale, une pratique ancestrale, basée sur la transmission et le bon sens qui remonte à la naissance de la civilisation. Il n’y a pas une logique de standardisation, pour rationaliser la production, au contraire ce sont des espaces de libertés ou tout se mêle, techniques traditionnelles et expérimentales, observation de la nature scientifique et sensible, les énergies et les astres côtoient la chimie, sans hiérarchisation des savoirs et des époques.

Une dynamique d’amateur (celui qui fait avec amour) forme ces jardins, qui tirent leur force non pas de la rationalité mais, de la diversité des activités qui s’enchevêtrent les une aux autres, au fil du temps, des envies, des besoins, des moyens… Un modèle extrêmement efficace qui ne se limite pas à la simple production alimentaire.

Bien sûr le jardin vivrier est capable de subvenir à une grande partie des besoins alimentaires d’une famille et même de générer du surplus, grâce à la grande diversité qui y est cultivé. 0n peut penser un jardin avec une quarantaine de légumes et autant de fruits (voir beaucoup plus), une production de plantes aromatiques, à infuser, médicinales, ou encore ornementales, sans oublier la basse-cour, le rucher… Voir pour les jardins d’une belle taille 5 moutons, 4 chèvres, 3 cochons, 2 ânes et une vache.

Une production alimentaire, artisanale, manuelle, de grandes qualités nutritives et gustatives qui favorise notre bien-être physique et mentale en renforçant notre sentiment d’appartenance à l’écosystème en y étant acteur.

Il y a d’abord l’appartenance au microcosme du jardin avec qui le jardinier collabore, créant un lieu hôte pour la faune et la flore qui permet d’accroître la biodiversité et la fertilité. Ensuite, il y a l’appartenance au système vivrier lui même, qui tire sa force du lien entre les jardins, il est le prétexte à l’échange (de graines, de plantes, d’aliments, de matériels, de savoirs, de services…), ce qui produit un modèle de solidarité qui accroît la résilience d’un territoire.

Les jardiniers travaillent à créer des lieux de vie, grâce à une abondance et pour s’y sentir bien, le beau et le paysage y tiennent donc une place importante, il y a des allés retours permanent entre l’ornement et le nourricier, entre l’utile et le bucolique, entre le spontané et le composé. L’inutile à sa place, seulement parce qu’il nous donne le sourire.

Une pratique amateur du jardin, qui fait perdurer les gestes simples et ancestraux, ou l’économie de moyens produit une abondance déconcertante d’aliments, de solidarité, de paysage, de bien-être, de biodiversité avec une qualité rare. Le jardin vivrier est un lieu qui produit bien plus d’énergie qu’il en consomme et stock du carbone plus qu’il n’en rejette.Un cercle vertueux assez remarquable ou l’abondance appel le partage et le partage appel l’abondance.

De l’individu au collectif

Il est intéressant de noter le glissement qu’il s’opère entre l’idée du jardin vivrier, nourricier pour sa famille et le sentiment d’appartenance à un ensemble vivant. Le jardin est un enclos ouvert sur son environnement, qui le dépasse largement, le jardinier s’inscrit dans la dynamique du vivant, faune flore, mais également du vivre ensemble, partage, don, échange, entraide, solidarité…
Au fil du temps on connaît les plantes, les animaux et les jardins alentours, on connaît les familles et finalement la personne qui fait du fromage, de la viande, de la poterie, du tissu, du bois, de la charpente … Ainsi le jardinier s’enracine dans un territoire et fini par faire partie d’un réseaux de relations avec ses habitants, doucement on s’extrait d’une logique de consommateur et les contours d’une vie collective et locale, se dessinent assez naturellement.
Il devient alors plus simple d’imaginer une activité complémentaire au jardin en lien avec le territoire et les besoins de ses habitants. L’envie à son tour de se rendre utile et de donner du sourire à travers son activité devient évident, ainsi la pratique individuelle, s’intègre à une logique collective.

En fonction de ses envies et de ses aptitudes on peut projeter développer :

• une activité paysanne (bois de chauffage et d’œuvre, plante tinctoriale, céréale, fibre à tisser, farine, huile, bière, cidre, maraîchage, élevage, transformation…)
• une activité artisanale (charpente, maçon, tisserand, couturier, potier, vannier…)
• une activité de service (enseignement, herboriste, magnétiseur, cuisine, garde d’enfant…)
• une activité culturelle (musique, conte, illustration, art…)

On conçoit alors facilement des territoires extrêmement résilients et autonomes, ou l’ensemble des besoins nécessaires à la vie en société sont réalisés localement. Une dynamique à petite échelle, solidaire, ou chaque citoyen est considéré comme acteur du quotidien de tous permettant de donner un sens à la vie collective. Les questions de l’éducation, de la justice, de la santé, du transport, de la propriété, de l’énergie, de l’incivilité, de la sécurité, de la vieillesse… sont alors l’affaire de tous et chaque territoire sera plus à même de créer ses propres solutions et répondre au cas par cas aux grands enjeux du vivre ensemble.

Télécharger le pdf : Ruralité locale-Transition-Jardin vivrier

20.

20. Peur du corps – Dan Nelly

Proposition d’un moment autour de la question de la peur du corps, caractéristique de l’occident et de son projet, la Modernité : penser la peur du corps avec et par le corps, utiliser le théâtre pour explorer de nouveaux imaginaires.

Peur de la mort, peur du sauvage, peur du récalcitrant, peur de l’imprédictible, peur de l’opaque, peur de la maladie et des virus, peur de ce qui échappe, glisse ou panique, peur de la Nature, peur de la vie…  L’animal-machine, la chirurgie esthétique, le projet colonial, les gros, la cybernétique, le patriarcat, le programme génétique, les vieilles, laAppel aux politiques de la terre pub, les black lives matter, les handicapés, la plage, les infecté.e.s du Covid-19…

Le théâtre-journal (puis théâtre de l’opprimé) est créé par Augusto Boal, un écrivain, dramaturge et metteur en scène brésilien en pleine dictature dans les années 1970. Une forme théâtrale qui permettait de continuer à critiquer le régime sans tomber sous le coup de la censure et qui consiste à mettre en scène des articles de journaux de façon à produire un discours critique.

Quelques « échauffements » pour préparer les corps, une petite introduction sur la thématique de la peur du corps, puis nous utiliserons quelques articles de journaux en lien avec l’épidémie de Covid-19 pour divers exercices de théâtre-journal. Bouger et sentir les corps pour travailler la peur du corps.

Exemples de thèmes possibles pour les articles de journaux: différence de traitements entre migrants et touristes, politiques eugénistes d’immunité de groupe, qui doit retourner au travail et qui peut rester à la maison, question de qui traiter en priorité à l’hôpital, impact variable du virus selon la classe social, le genre, l’origine etc. Exemples d’exercices de théâtre-journal : lecture-performance des articles, thêatre-image, interventions, écritures etc.

Quelques liens
Travail de Shrese sur l’histoire de la génétique, la cybernétique, le contrôle et la peur du corps (Français, English et Castellano):
https://network23.org/shrese/2020/06/05/lordre-genetique-essai-dhistoire-critique/
https://network23.org/shrese/2020/06/09/genetics-and-cybernetics-exof-a-model-of-subjectivation/
https://network23.org/shrese/2020/06/05/historia-critica-de-la-genetica-miedo-al-cuerpo-y-obsesion-del-control/
Travail de Nelly, penser avec et par le corps :
Nanopilitics handbook https://www.minorcompositions.info/?p=590#more-590
Language resistance theatre https://serpentine-uploads.s3.amazonaws.com/uploads/2020/03/act_esol-_language_resistance_theatre_2019_0.pdf
Théâtre de l’opprimé:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Augusto_Boal
https://www.zerodeconduite.net/ressources/3453
https://www.pedagogie.ac-nantes.fr/innovation-pedagogique/echanger/theatre-image-l-image-ne-cesse-jamais-de-parler—938985.kjsp?RH=PER